Le capitaine du remorqueur Le Hardi
Se lève à peine le jour est là,
Allume dans la cuisine,
Se fait maladroitement du café.
Finit sa pipe, fatigué,
Et jette les cendres n’importe où.
Il sort. La rue est sombre.
Sa femme l’a quitté sans lui dire un mot.
A ce qu’on dit, elle en a trouvé un autre.
Il en veut au monde entier.
Le remorqueur attend le capitaine.
L’équipage attend le capitaine :
Capitaine, viens! Viens nous commander.
Et le capitaine vient.
Sans un mot il monte à son poste,
Allume une pipe comme d’habitude,
Et attend quelque chose…
Il a l’âme pluvieuse,
Solitaire, orpheline,
Personne ne peut rien pour lui.
Sombre, il s’installe au gouvernail.
Un timonier a peu à faire.
Le capitaine chasse ses pensées.
Et s’il allait s’en jeter un?
Un petit rhum à deux, avec son second?
On dirait que c’est un bon gars…
Ou alors il pourrait aller pleurer dans son coin?
Mais ça non plus ça ne sert à rien,
Et ce n'est pas son genre...
Le Hardi fait ronfler son moteur,
Et fumer sa cheminée.
-- Que d'années on a passé ensemble!
Qu’est-ce qui est arrivé, au juste?
On n’y peut rien : elle a cessé de m’aimer…
On n’y peut rien : elle m’a oublié,
Nos chemins se sont éloignés,
Il est temps de s’y mettre…
Le Hardi s’énerve, il gronde.
Allez, on y va…
Quel brouillard, tu as vu ça!
Reprends-toi, capitaine. Tous les deux
Il y a si longtemps que nous sommes ensemble,
Ce n’est rien, on s’en tirera…